La luminothérapie LED s’est imposée comme l’une des tendances phares des soins de la peau non-invasifs. Utilisée pour stimuler la production de collagène, améliorer l’élasticité de la peau et atténuer les signes de l’âge, elle séduit aussi bien les professionnels que les particuliers.
Mais malgré ses nombreux bienfaits documentés, une question revient souvent : est-ce sans danger pour les yeux ? Est-il nécessaire de porter une protection oculaire ? Peut-on simplement fermer les yeux pendant une séance ? Ces interrogations sont légitimes, surtout lorsqu’on utilise un masque LED à domicile ou un panneau plus puissant en institut.
Dans cet article, on fait le point sur les risques réels (et les idées reçues) liés à la lumière rouge, en s’appuyant sur les données scientifiques les plus récentes.
La découverte accidentelle de la luminothérapie LED
Parmi les nombreux faits marquants de l’Université médicale Semmelweis à Budapest, l’un des plus surprenants remonte à 1967, grâce aux travaux du Dr Endre Mester. Inspiré par une expérience menée aux États-Unis, où une équipe du collège McGuff à Boston avait réussi à détruire une tumeur à l’aide d’un laser rubis, Mester décida de reproduire l’expérience sur des rats de laboratoire (Mester et al., 1968).
Cependant, son appareil était bien moins puissant que celui utilisé à Boston. Contre toute attente, au lieu de traiter un cancer, le laser de faible intensité permit de cicatriser les plaies et stimula la repousse du pelage des rongeurs (Mester et al., 1968). Ce résultat inattendu marqua le point de départ de la photobiomodulation (PBM), ou thérapie au laser de faible intensité (LLLT), aujourd’hui utilisée dans de nombreux domaines médicaux (Avci et al., 2013).
La luminothérapie rouge peut-elle poser des problèmes pour les yeux ?
Les appareils LED destinés aux soins esthétiques sont conçus pour fonctionner dans des plages de longueurs d’onde sûres (en général entre 620 nm et 700 nm) et à des intensités faibles (irradiance basse), ce qui limite considérablement le risque oculaire (Desmet et al., 2006) (Rojas & Gonzalez-Lima, 2011). La FDA (Food and Drug Administration) classe d’ailleurs de nombreux dispositifs LED à usage cosmétique comme « sans danger lorsqu’utilisés conformément aux instructions ».
Néanmoins, certaines mises en garde existent. En 2024, une équipe de l’Université de Houston a signalé que certains dispositifs vendus pour freiner la myopie infantile émettaient des niveaux d’énergie proches ou au-dessus des seuils de sécurité photobiologique pour la rétine des enfants (Ostrin et al., 2024). Ces appareils ne sont pas comparables aux dispositifs LED esthétiques domestiques, mais soulignent l’importance de respecter les recommandations du fabricant.
Comment la lumière rouge affecte-t-elle les yeux ?
La lumière rouge n’appartient pas au spectre UV, elle ne génère pas de chaleur thermique directe, et son absorption par les tissus oculaires est limitée (Beirne et al., 2021). Des études récentes ont même documenté des effets bénéfiques : une exposition quotidienne à une LED rouge de 670 nm pendant 3 minutes améliore la fonction mitochondriale des photorécepteurs et augmente la sensibilité au contraste chez les adultes âgés (Shinhmar et al., 2020).
La photobiomodulation oculaire a été explorée pour soulager la sécheresse oculaire (Sivapathasuntharam et al., 2017), améliorer la fonction visuelle dans la DMLA sèche (Merry et al., 2017), et réduire le stress oxydatif dans la rétine (Rojas & Gonzalez-Lima, 2011).
Il convient toutefois de rester en dessous de 1400 nm. Au-delà, les rayonnements infrarouges moyens peuvent provoquer un échauffement dangereux des tissus rétiniens (ICNIRP, 2013). Les appareils LED conçus pour une utilisation esthétique restent largement en dessous de ce seuil.
Faut-il porter une protection oculaire avec la lumière rouge ?
Les masques LED à usage domestique sont conçus avec des formes anatomiques qui limitent l’exposition directe des yeux. Leur lumière, même proche, atteint les yeux de façon périphérique, ce qui ne nécessite généralement pas de protection oculaire (Hamblin, 2016).
En revanche, l’usage de panneaux LED à haute puissance, notamment lorsqu’ils sont placés à distance, peut générer une exposition directe plus intense. Dans ce cas, les fabricants recommandent souvent des lunettes de protection fournies avec l’appareil.
La fatigue oculaire potentielle vient davantage de l’intensité lumineuse perçue que des longueurs d’onde elles-mêmes (Avci et al., 2013).
Puis-je juste fermer les yeux pendant la luminothérapie rouge ?
Fermer les yeux durant la séance est souvent suffisant pour réduire l’exposition lumineuse à un niveau minimal, d’autant que les paupières agissent comme filtre naturel. Cela est validé dans les protocoles cliniques de photobiomodulation pour la DMLA et les troubles oculaires liés à l’âge (Beirne et al., 2021).
Cependant, les personnes souffrant de photophobie, d’affections oculaires spécifiques ou ayant subi une chirurgie récente doivent consulter un professionnel de santé avant d’utiliser ces dispositifs.
Conclusion
La luminothérapie LED rouge, dans sa version domestique ou professionnelle contrôlée, ne présente pas de risque oculaire significatif lorsqu’elle est utilisée dans les plages de sécurité définies. Les longueurs d’onde utilisées ne font pas partie du spectre UV, ne produisent pas de chaleur et n’endommagent pas les tissus rétiniens.
Certaines longueurs d’onde rouges pourraient même, selon plusieurs publications scientifiques récentes, avoir des effets bénéfiques sur la santé oculaire. Si une gêne visuelle est ressentie ou si vous utilisez un appareil puissant, le port de lunettes de protection ou la simple fermeture des yeux est conseillé.
Avci, P., Gupta, A., Sadasivam, M., Vecchio, D., Pam, Z., Pam, N., & Hamblin, M. R. (2013). Low-level laser (light) therapy (LLLT) in skin: stimulating, healing, restoring. Seminars in Cutaneous Medicine and Surgery, 32(1), 41–52. https://doi.org/10.12788/j.sder.0023
Beirne, R. O., Trivli, A., & Hamblin, M. R. (2021). Red and near-infrared light as a therapeutic approach for age-related ocular diseases: A review. Photobiomodulation, Photomedicine, and Laser Surgery, 39(1), 1–10. https://doi.org/10.1089/photob.2020.4935
Desmet, K. D., Paz, D. A., Corry, J. J., et al. (2006). Clinical and experimental applications of NIR-LED photobiomodulation. Photomedicine and Laser Surgery, 24(2), 121–128. https://doi.org/10.1089/pho.2006.24.121
Hamblin, M. R. (2016). Mechanisms and applications of the anti-inflammatory effects of photobiomodulation. AIMS Biophysics, 3(3), 337–361. https://doi.org/10.3934/biophy.2016.3.337
ICNIRP (2013). Guidelines on limits of exposure to laser radiation of wavelengths between 180 nm and 1,000 μm. Health Physics, 105(3), 271–295. https://www.icnirp.org/cms/upload/publications/ICNIRPLaser2013.pdf
Merry, G. F., Munk, M. R., Dotson, R. S., Walker, M. G., & Vance, S. K. (2017). Photobiomodulation therapy in dry age-related macular degeneration. Clinical Ophthalmology, 11, 2049–2057. https://doi.org/10.2147/OPTH.S147386
Mester, E., Szende, B., & Tota, J. G. (1968). The effect of laser beams on the growth of hair in mice. Radiobiologia Radiotherapia, 9, 621–626.
Ostrin, L. A., Cardenas, J. Y., & Tran, N. T. (2024). Children’s eyes at risk: Evaluating the retinal safety of red-light therapy devices marketed for myopia control. University of Houston News. https://www.uh.edu/news-events/stories/2024/january/01292024-ostrin-red-light-therapy-danger-eyes.php
Rojas, J. C., & Gonzalez-Lima, F. (2011). Low-level light therapy of the eye and brain. Eye and Brain, 3, 49–67. https://doi.org/10.2147/EB.S21391
Shinhmar, H., Hogg, C., Wood, A., & Jeffery, G. (2020). Optically improved mitochondrial function redeems aged visual performance. The Journals of Gerontology: Series A, 75(3), e49–e52. https://doi.org/10.1093/gerona/glz272
Sivapathasuntharam, C., Sivaprasad, S., Hogg, C., & Jeffery, G. (2017). Photobiomodulation by red light improves ageing retinal function. Scientific Reports, 7, 43997. https://doi.org/10.1038/srep43997